Cette statue est due au ciseau du grand sculpteur BARRIAS auteur des "premières funérailles" , d'un "Bernard Palissy", de " défense de Paris".
Elle nous montre Victor SCHOELCHER,calme et inspiré, rendant la liberté à un esclave dont il a brisé les chaînes.Un tableau d'époque touchant de paternalisme. Un citoyen en redingote qui prend par l'épaule un citoyen en kalinbé (pagne).
Sur le socle,sont portées les inscriptions suivantes:
Victor Schoelcher est né à Paris le 22 juillet 1804 (5 thermidor,an XII). Il est de naissance bourgeoise ,avec un père manufacturier en porcelaine.
Son initiation aux idées républicaines, il la doit à la franc-maçonnerie.Il a fait un bref passage au Lycée Louis-le-Grand et dès son jeune âge ,a participé à un bon nombre de débats dans les loges entre 1820 et 1830.On pense qu'il a fréquenté au moins cinq loges dont "Les Amis de la Vérité".
Journaliste et commis -voyageur, le voilà au Mexique pour écouler les stocks de son père.Il n'est pas frappé par la cargaison de costumes et de bibelots qu'il ramènera après 18 mois mais par le sort injuste et cruel auquel sont soumis les esclaves.
De toutes les profondeurs de son être, il sent jaillir la haine de l'injustice, la passion pour la liberté, la sympathie pour les déshérités.
Parti au Mexique comme représentant de commerce, il retourne chez son père en abolitionniste indigné.
Dès lors il s'impose une tâche dure et passionnante: l'afranchissement des noirs. Au prix de mille périls, il obtient la signature du décret du 27 avril 1848 qu'il avait eu le mérite de préparer en tant que Secrétaire d'Etat à la Marine chargé des colonies.Ce décret met fin à l'esclavage dans toutes les colonies françaises.
Pour obtenir ces brillants résultats,il lui a fallu aller aux Antilles se rendre compte sur place des mauvais traitements infligés aux esclaves.Il a consigné dans deux gros ouvrages les résultats de ses voyages.
Le premier livre a pour titre: "Colonies françaises.abolition immédiate de l'esclavage".Il le publie en 1842.C'est un réquisitoire, un procès avec pièces à l'appui qu'il fait du régime colonial.
Il est animé de la foi la plus vive, la plus certaine dans l'évolution humaine et dans l'idéal de fraternité et d'égalité républicaine.
La Guyane a été la première colonie française à avoir marqué sa reconnaissance à l'abolitionniste en érigeant une statue à sa mémoire. A cet effet une souscription fut organisée après sa mort survenue en 1893.
Il mourut un jour de Noël ,le 25 décembre 1893 et s'en alla en héros passionné de la justice et de la démocratie, en illustre bienfaiteur de l'humanité, lui qui symbolisait la morale, le courage et les progrès de son siècle.
L'inauguration du monument eut lieu le 14 juillet 1897 en présence de M.Henri URSLEUR , Maire de Cayenne et intime de Schoelcher.
Le 8 avril 1871,Victor Schoelcher fut élu représentant de la Guyane française à l'Assemblée Nationale mais il opta cinq mois plus tard pour la Martinique où il avait été également élu.
En 1848,sans avoir fait acte de candidature,il avait été doublement élu à la Martinique et à la Guadeloupe.
Les récriminations qui furent faites à Schoelcher de son vivant,ne peuvent en rien ternir la réussite de sa vie: l'action d'émancipation.
Le but qu'il s'était proposé fut pleinement atteint et les quelques ombres qui demeurent au tableau n'auront que le poids d'un epsilon dans la balance.
On lui reproche ,dans son livre"Colonies françaises" ,d'avoir été scandalisé par les moeurs de certaines noires et de certains noirs libres. Il a eu raison de le déplorer mais il n'a peut-être pas réalisé que c'est le contexte colonial de l'époque qui avait favorisé et entretenu ces comportements.
On le désavoue aussi d'avoir mal jugé des noirs affranchis qui étaient devenus (comme les colons) propriétaires d'esclaves. Là encore, il n'a pas saisi que c'était l'ère coloniale qui avait instauré ce système économique de "propriété" d'esclaves. Propriété qui constituait une source de fortune incontournable pour bénéficier de l'estime et de la considération d' autrui.
On lui a fait observer ainsi qu'il aurait dû prendre position plus catégorique à l'égard des colons,les grands bénéficiaires du système colonial.
Il est ,que venu aux Antilles pour enquêter sur l'esclavage,il avait bénéficié de leur hospitalité et de leur bon accueil et que de ce fait il se sentait géné ou peut-être" mal placé " pour leur dire leur quatre vérités.
Enfin,on pense qu'il s'est montré trop intransigeant à l'égard de la Mère JAVOUHEY( dont il combattait tous les projets) vu que cette grande Bienfaitrice avait, bien avant 1848,crée des communautés de noirs libres.
Ce texte d' Auxence CONTOUT est tiré de son livre sur la Guyane et ses
monuments....
La Mère Javouhey est une grande figure de l'histoire de la Guyane et j'aurai l'occasion de vous en parler.